Histoire de La Mothe

La fondation de la ville

En 1238, le comte Henri II de Bar s’engage pour lui-même et ses descendants, envers Mathieu II, duc de Lorraine, à ne jamais construire de forteresse dans la région frontalière entre Neufchâteau et Lamarche. Mais en 1255, son fils Thiébaut II viole le traité. Après avoir acquis le domaine de Saint-Hilairemont (ancien nom de La Mothe), Thiébaut II commence la construction d’une ville neuve. En juillet 1258, il octroie une charte de franchise aux bourgeois.

Le duc de Lorraine Ferri III proteste. Un arbitrage est confié aux comtes de Champagne, de Nevers et de Bourgogne, qui donnent raison au comte de Bar. Mais le duc de Lorraine conteste la décision et la guerre éclate entre Lorraine et Barrois. L’arbitrage de Saint-Louis, roi de France, sera nécessaire. Il demande à Thiébaut II de prêter hommage pour La Mothe au comte de Champagne. L’hommage était, au moyen-âge, l’acte par lequel un vassal promettait fidélité à son seigneur.

Cet hommage dû par le comte de Bar au comte de Champagne porte en lui tous les germes du conflit qui va opposer, aux XVIe et XVIIe siècles, la Lorraine et la France. En 1284 en effet, le mariage de l’héritière de Champagne avec le futur roi Philippe le Bel, et donc le rattachement de la Champagne à la France, transfère l’hommage dû au roi de France. Après le rapprochement du Barrois et de la Lorraine, le duc de Lorraine devra donc l’hommage au roi de France.

La Lorraine entre France et Empire

Mais la rivalité entre ducs de Lorraine et comtes de Bar n’est qu’un banal épisode de la vie médiévale. Elle occulte une autre réalité : la position stratégique, mais ô combien difficile, occupée par la Lorraine entre France et Empire d’Allemagne.

Par la signature, en 935, de la paix de la Chiers, la Lotharingie était entrée dans le giron de l’Empire. Cette situation n’a cependant jamais été acceptée par les rois de France, qui n’eurent de cesse de conquérir la Lorraine afin de consolider leur frontière à l’est. Sagement, les ducs de Lorraine jouaient la neutralité entre leurs deux voisins.

Les relations entre le duché de Lorraine et la France sont cordiales jusqu’en 1541, année en laquelle François, héritier du duché, épouse Chrétienne de Danemark, nièce de Charles Quint. Le duc Antoine, son père, a souhaité rééquilibrer ses alliances. Mais il a aussi provoqué la colère royale. Le roi François Ier rechercha alors une assurance de neutralité du duché. Il l’obtiendra en 1542 par le traité de Nuremberg. Charles Quint y reconnaît le duché de Lorraine à jamais libre et non incorporable. Le lien de vassalité avec l’Empire est rompu au profit d’un statut de protectorat. Mais la Lorraine est condamnée à une stricte neutralité.

La régence de Chrétienne de Danemark

En 1544, le duc Antoine décède. Son fils François lui succède. Malade, il décède à son tour en 1545. Il laisse une veuve de 24 ans, Chrétienne de Danemark. Son fils, le futur Charles III, n’a que 3 ans. La noblesse lorraine propose la régence à Nicolas de Vaudémont, frère du duc défunt. Mais Chrétienne de Danemark intrigue et s’impose. Un compromis est finalement trouvé : ils sont nommés co-régents.

Belle, énergique, Chrétienne souhaite gouverner seule. Elle ne respecte pas le souhait de la noblesse lorraine de maintenir une stricte neutralité entre ses deux puissants voisins et incline vers l’Empire. Et c’est alors qu’elle décide de renforcer les fortifications de La Mothe. Elle fait appel à l’ingénieur italien Ambrogio Precipiano qui fortifiait la ville de Dole en Franche-Comté pour le compte de Charles-Quint. Precipiano dresse le plan d’une nouvelle enceinte bastionnée. Les travaux démarrent aussitôt.

Le roi de France Henri II est couronné en mars 1547. En février 1548 au plus tard, il apprend que Chrétienne de Danemark fait effectuer de grands travaux à La Mothe. Or il doute de la neutralité de la régente de Lorraine et craint que La Mothe puisse un jour être utilisée par Charles Quint comme tête de pont aux marches du royaume. Henri II demanda une entrevue à Chrétienne, qui eut lieu à Joinville en juin 1548. Le roi obtint d’elle une promesse d’arrêt des travaux pendant la minorité du futur duc Charles III. Mais le jour même de son départ de Nancy, le 12 juin à 5 heures du matin, elle avait fait venir un tabellion et quatre témoins et avait déclaré protester par avance contre toute concession qui lui serait arrachée. Que la promesse n’ait été pas tenue n’apparaît pas surprenant ! Les travaux seront poursuivis jusqu’en 1590, année qui verra l’achèvement de la première enceinte avec la construction de la porte de Soulaucourt. A compter de 1563 au moins, et jusqu’à son décès en 1595, les travaux sont dirigés par Florent De Belleau.

Vers 1620, on renforça cette première enceinte d’une seconde, faite de terre et de pierre, inspirée des préceptes de la fortification hollandaise. Elle protégeait un chemin couvert courant au pied de la muraille de la première enceinte. Cette seconde enceinte renforçait l’impression de hauteur et de puissance de la première. Elle rendait surtout plus difficile les travaux d’approche et de sape.

La guerre de trente ans (1618-1648)

La guerre de trente ans, qui ravagea une bonne partie de l’Europe et particulièrement la Lorraine, est une confrontation entre la France et l’Empire allié à l’Espagne. En Lorraine, les acteurs entrent en scène en 1624, année en laquelle, tant Richelieu pour la France que Charles IV pour la Lorraine, accèdent au pouvoir. Charles IV est un catholique déclaré. Il refuse la politique de stricte neutralité entre la France et l’Empire. Il refuse de prêter l’hommage dû pour le Barrois mouvant. Qui plus est, il ose accueillir à la cour de Nancy les opposants français à Richelieu et notamment Gaston d‘Orléans, frère du roi.

Les prémices du conflit entre France et Lorraine

En mai 1632, l’armée française envahit la Lorraine. Charles IV accepta de signer un traité à Liverdun le 26 juin 1632. Il s’y engagea notamment à prêter hommage pour le Barrois dans le délai d’un an. Mais le 30 juillet 1633, le Parlement de Paris décide la saisie du Barrois, au motif que l’hommage promis n’a pas été prêté. Les troupes royales pénètrent à nouveau en Lorraine et assiègent Nancy. La ville est rapidement prise. Le 20 septembre, Charles IV se voit imposer la signature, à Charmes, d’un nouveau traité.

Le 19 janvier 1634, Charles IV abdiqua et abandonna le trône ducal à son frère Nicolas-François, évêque de Toul. Le 18 février 1634, ce dernier épousa secrètement, après s’être donné les autorisations nécessaires, sa cousine Claude, héritière des duchés, empêchant ainsi une union arrangée par la France. Le mariage est immédiatement consommé. Hors de lui. Richelieu fait enfermer les deux époux au palais ducal de Nancy. Mais, le 1er avril, ils parviennent, déguisés, à s’échapper et à gagner Florence.

Le premier siège (8 mars-27 juillet 1634)

Dès le 8 mars, le marquis de La Force, à la tête des troupes françaises, encercla la ville et la bloqua complètement. Il fit venir, des places environnantes françaises, canons et mortiers. Il fit creuser des tranchées en direction des bastions Sainte-Barbe, Saint-Nicolas et de Danemark.

Dès le 9 juin, des batteries de mortiers purent être installées.

Le 17 juin, les français atteignaient le pied de la contrescarpe.

Ils entreprirent alors le creusement de mines en vue de renverser les bastions. A l’intérieur de la place, la situation devenait de plus en plus difficile. L’eau et les provisions manquaient. Le 21 juin, le gouverneur de Choiseul d’Isches fut tué par un éclat de boulet. Le 6 juillet, le fossé était atteint de tous côtés, grâce notamment au jeune vicomte de Turenne. Heureusement, des pluies battantes noyèrent les tranchées françaises, donnant un peu de répit aux assiégés. Le 26 juillet, les mines sous le bastion Saint-Nicolas explosèrent, ouvrant une large brèche. Dès le 27 juillet, la capitulation était signée.

La Lorraine était sous contrôle total de la France et dans un état lamentable. La peste exerçait partout ses ravages. Charles IV n’en poursuivait pas moins sa politique au service de l’Empire. Il dut accepter de se rendre à Paris pour négocier. Le 29 mars 1641, il signa, à Saint-Germain-en-Laye, la « petite paix » et prêta hommage pour le Barrois. Il avait certes été humilié mais il avait pu sauver son duché. Il n’avait cependant pas l’intention de respecter ses engagements. Dès avril 1641, les hostilités reprirent.

Le deuxième siège (juillet 1642 – mai 1643)

Le roi perdit à nouveau patience et envoya du Hallier investir La Mothe. Mais le 4 décembre 1642, Richelieu décédait. Louis XIII mourut le 14 mai 1643. Ce double décès sauvait provisoirement La Mothe. En mai 1643, le blocus fut levé. Mazarin parvient alors au pouvoir. A plusieurs reprises, il tenta de négocier avec Charles IV, mais en vain. Ne pouvant obtenir la ville, il en jura, dès juillet 1644, la perte.

Le troisième siège (déc. 1644-7 juillet 1645)

Magalotti fut mandaté pour investir la ville. Le 6 décembre, il était sur place. Dès janvier, les paysans des environs furent requis pour creuser autour de la place une circonvallation défendue par sept redoutes. Le gouverneur Clicquot organisa des sorties pour retarder les travaux, mais sans grand succès. Début mai, la circonvallation était achevée et tout secours exclu. Les Français entreprirent alors de creuser des tranchées vers la place

Mi-mai, ils atteignirent le milieu du glacis. Le 20 juin, Magalotti fut mortellement blessé.

Dans la nuit du 27 au 28 juin, les Français enlevèrent la contrescarpe. Après discussion, les modalités de la capitulation furent acceptées le 1er et ratifiées le 7 juillet.

Les honneurs de la guerre furent accordés aux défenseurs. Par ailleurs, l’article 15 de la capitulation prévoyait « qu’il seroit libre aux bourgeois de demeurer a La Mothe ou ailleurs ou bon leur semblera et qu’ils seroient conservés dans leurs biens et libertés dans quelques pays qu’ils fussent ».

La destruction

Le 15 juillet 1645, la communauté fut avisée de la décision de Mazarin de procéder à la destruction totale de la ville. Elle dépêcha alors Nicolas Dubois de Riocour à la cour de France, pour obtenir le respect des conditions de la capitulation. Hélas en vain ! Dès le 20 juillet, les démolitions commencèrent, alors que du Boys de Riocour n’était pas encore revenu de sa mission à la cour de France.

Poue s’assurer que la ville ne serait jamais reconstruite, les français firent venir de Langres, le 11 août, quatre livres de mercure pour empoisonner les deux puits.

Fin septembre, la ville n’était plus qu’un amas de ruines.

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